samedi 10 février 2018

J'ai 23 ans, tant que l'on veut, j'aurais 23 ans autant de fois qu'il le faut.




Et tous les jours je me lève pour recommencer

Que ce soit joli ou pas m’est totalement égal, que ça signifie quelque chose est insignifiant. Je veux juste vivre. Et je sais qu’à chaque fois que quelqu’un me parle d’une beauté qui prétendument serait la mienne –mais attention, on ne parle pas que d’apparence, bien sûr, prétendument la beauté de mon âme à travers cette apparence, et tutti quanti- je me révulse à l’intérieur.

« Mais de quoi tu te plains ? »

Je me plains pas. Ce n’est pas un son. C’est moi qui arrache ta tête en étant consciente que ce n’est pas de toi dont il est question. Heureusement que ça n’a lieu que dans la mienne, de tête.

Et tous les soirs je me couche sur la fréquence saturée de l’épuisement, tu sais pourquoi.

Je me fiche que ce soit joli ou pas, je veux juste le vivre, ce moment où ça va s’arrêter. Je veux juste vivre ce moment où je pourrais entendre sa voix sans trembler. Et je ne sais même pas s’il s’agit de moi, ou de mon faux self. Je n’en peux plus. A chaque fois que je l’entend je n’en peux plus, toute force me quitte, je tremble comme si c’était la fin. Je tremble et mon cœur bat fort, je pourrai sentir mes pupilles se dilater, comme un lapin pris dans les phares avant l’impact.

« Et de quoi t’as peur ? »

« Et de quoi tu te plains ? »

« Et tu te débrouilles bien, et tu vas vite »

Mais je suis entourée d’amour, c’est pas croyable. Plus je chute et plus on m’aime. Plus je chute et plus je me révèle telle que je suis, et je reçois tellement de bienveillance que j’ai envie de vivre maintenant. Pas pour moi, pas pour vous, pour le monde, et bientôt ça sera pour moi j’espère. Vous avez trop porté le poids de ma vie, tous les êtres qui me sont cher, et tous ceux qui ont voulu me voir pour de vrai, et tout l’amour qu’on a partagé.

Vous m’avez vu, et vous m’avez donné vie, et maintenant je pense à vous toutes les nuits.

Je vous vois dans mes rêves, vous m’apparaissez tous, toutes les nuits. Ma vie défile devant mes yeux et vous êtes là. Aucun d’entre vous n’est épargné par la longue liste de ceux qui m’ont vue. C’est avant qu’il n’arrive, le monstre dans mon ventre, le petit monstre dans ma tête, le monstre qui fut moi et le monstre que j’ai apprivoisé, enchaîné, drogué, lâché, retrouvé, reperdu, évité. Le corps est moi maintenant on est confus. Moi et l’esprit maintenant on ne sait plus qui on est, parce qu’il est là, toutes les nuits, et que je ne sais pas ce qu’il est. Je ne sais pas qui est qui, et qui est moi.

Et je vois tous les visages que j’aime se dérouler devant mes yeux, former des scènes, des conversations, je sais que je tiens les commandes, je sais que c’est ma tête –je ne dors jamais vraiment, vous savez ? Lucide pendant les rêves pour ne pas perdre la tête. Et encore une fois, ça vient, comme un coup de tambour, je ferme les yeux, je me détends, ça survient.

Des cris, des coups, des images qui se brouillent, un court-circuit dans mon cerveau. Et je vois vos visages devenir autre chose. Je vois les êtres familiers devenir des ennemis, je vois les yeux des gens que j’aime devenir autre chose. Et je ne tiens plus les commandes. Je perds le contrôle, je perds la pression, dépression dans mon corps, et je panique. Je crois que c’est moi mais je n’en suis pas sûre.

Mais alors, qui est-ce pendant que je suis réveillée ? Est-ce que je mens toujours autant sans le savoir ? Et la journée, est-ce que ce n’est vraiment pas moi ? Qui est qui, et quand ?

Et j’entends la voix qui parle plus fort. Elle parle et il y a toujours un demi temps de silence après. Ça jette un froid. On croit que c’est une voix normale, une voix qui se mêle aux autres voix, et elle semble parler innocemment, mais elle dit autre chose. Elle fait des sons qui ressemblent à des phrases mais qui n’en sont pas. Elle crée des visages qui ne sont plus des visages, et c’est comme si je voyais le fond de la cave, le fond du caveau, brut.

Vous savez la lumière de la bougie fait danser les ombres, et vous vous imaginez une ambiance aux chandelles, là où il n’y a que de la pierre brute sur les mur et de l’humidité et des parois rocheuse là où vos mains se posent, et de la poussière et de la terre sous vos ongles, et des sensations qui semblent plus réelles que le reste, parce que ça l’est.

Et c’est ça que ça fait.  Ça vous sort du rêve. Ça choque. Quelque chose est anormal, vous voyez ? Ça parle et toutes les autres voix sont choquées, et vous réalisez que quelque chose d’important est survenu, et là vous croyez entendre l’écho de ce qui vient de parler, mais déjà vous n’êtes plus sûr, vous l’avez senti, c’est plus là, mais où est-ce donc ?

Comme une araignée qui passe, vous n’avez pas peur pendant une demi-seconde, puis la surprise survient, et là vous réagissez mais elle a déjà disparue. Mais où est-elle ? Qu’a-t-elle voulu faire ?

Je me réveille tous les matins pour recommencer, je n’aime plus mon corps mais j’aime mieux me sentir dedans. En ces instants où la voix hurle le soir je n’aime pas rester dans mon corps parce qu’il m’est hostile, parce que si je fais ça je suis boutée hors-de-lui, hors-de-moi. Ejectée.

Mais je me réveille tous les matins pour recommencer, parce que je sais que mon défi est juste de faire en sorte que mon corps soit accueillant, et que je me vois dedans, que je sois dedans, pour qu’il puisse m’accueillir le soir quand je me couche.

Et je me réveille tous les matins pour recommencer, parce que la nuit précédente j’ai échoué, comme toute les nuits.

Et je me souviens de toutes ces nuits passées à me dire que ce n’était rien. Je me disais que je ne devais pas faire de bruit, je ne devais surtout pas montrer que ça m’arrivait, que je me tordais de douleur la nuit pour éviter de pleurer vraiment. Je ne devais pas avoir mal en public, vous savez. Il m’était interdit d’avoir mal en public si c’était ce qui m’arrivait, il m’était interdit de montrer que ça pouvait faire mal. Ça n’était pas moi le problème, mais juste ma douleur. Et je me souviens de ces nuits passées à avoir mal et à lire, comme je lis aujourd’hui, comme je m’assomme de vidéos und so weiter. Ça fait mal, vous savez. Ça n’est pas parce que je reste de marbre que je n’ai pas mal, mais parce que la douleur me fige vous ne verrez rien. Vous ne verrez jamais la souffrance en moi, vous ne verrez que les miettes de joie qui s’exprime quand je montre que j’ai des émotions, même celles qui semblent douloureuses. C’est de la joie, vous ne verrez que de la joie sur moi.

Vous ne me verrez jamais avoir mal, car ma douleur me fait figer. Je n’existe plus en moi quand je souffre, la vérité, c’est que je pourrai opérer ma propre mère à cœur ouvert quand j’ai mal pour de vrai, car alors, je n’ai plus de cœur moi-même.

Et j’ai cru que c’était une capacité spéciale. Et c’en est une. Et quelle capacité, mes aïeux, quel prix à payer pour la survie. Et j’ai voulu en tirer parti mais je courais droit à ma perte, tout droit dans le mur. Quand j’ai vu à quoi pouvait ressembler d’opérer quelqu’un j’ai été très enthousiasmée de voir que je pouvais commander cet état où rien ne m’atteint, et où mes gestes deviennent précis. Je n’existe plus et je suis là au loin pour voir mon corps faire des choses, comme si je commandais une marionnette. Et je me disais que ce monde avait bien besoin de ce genre de capacité, et que je pourrais me rendre utile avec ça, par exemple, ça faisait de moi quelqu’un qui n’a pas peur devant un corps ouvert.

En réalité ça faisait de moi quelqu’un qui n’avait pas peur devant une âme ouverte, et c’est toujours le cas, et c’est ce qui fait le plus peur au monde car c’est de là que vienne tous nos maux. Nos avons peur d’un corps ouvert pour la même raison que nous avons peur d’une âme ouverte, oh, il est inutile de le décrire, vous sentez cette sensation, et c’est suffisant.

Et je me suis dit après bien des péripéties que cette capacité n’avait jamais été bonne pour moi. Pour la simple et bonne raison que je ne peux pas entretenir ça et en même temps exister. Et que donc, je dois faire un choix.

Ça ne me dérange pas d’y renoncer, parce que j’ai renoncé à sauver le monde à présent, ça m’aurait dérangé avant, de ne pas pouvoir apporter quelque chose d’aussi utile sur la table. Mais rien ne sera plus utile que ma présence pleine et entière, car c’est ce qui est le plus utile au monde pour chaque être vivant. Et qui peut se vanter d’être pleinement présent, ici ? Pas beaucoup de personnes, moi je vous le dis. C’est que ça manque cruellement, ça aussi. Mais ça ne me sauvera pas que de vivre pour le monde.

Alors je me lève tous les matins pour recommencer, et le corps est lourd et souffrant, et c’est mon âme qui souffre dedans. Je dois me rappeler mécaniquement de me lever pour manger, car je me laisserai aller à un sommeil sans fin si je n’étais pas au courant que les humains doivent manger pour vivre. Entre deux eaux, je soupire : « Je suis si fatiguée », je ne veux pas me réveiller, mais quand je le suis assez je réalise que le sommeil ne m’aidera pas. Ma fatigue n’est pas de celles-là.

Alors je me lève pour recommencer, et prier pour que le matin suivant ne soit pas un de ceux-là.

Je suis comme sur le fil du rasoir. Je dois m'épuiser mais pas trop. Je dois m'épuiser pour dormir, mais pas trop, car si je ne peux pas me réveiller assez, je suis coincée dans les états de semi-conscience et c'est une boucherie.

Je dois m'épuiser pour pouvoir tomber dans le sommeil sans trop d'effort, mais pas trop m'épuiser car je dois pouvoir me lever le lendemain, pour recommencer.


Je le fais parce que je veux vivre. Et je le fais parce que ça marche. Ne croyez pas que j'agirai en vain, rien de ce que je fais n'est vain.


Inutile pour le monde, mais jamais vain.

J'apprends à me légitimiser et je sais qu'aucun de mes gestes n'est choisi par hasard, aucun de mes comportements n'est là pour rien. Je le sais quand je me vois, comment pourrait-il en être autrement?

Chronométrée comme un automate, paramétrée comme une retardateur, programmée comme un autre qui voulait être là à ma place.

Sauf que l'autre, c'est moi.

Je n'ai jamais connu ça de manière aussi intime, j'ai tellement toujours eu peur de la folie, que je ne savais même pas que j'en avais des graines, vraiment, je croyais que je me jugeais trop fort. Je croyais que j'exagérait, pour me protéger de la vraie folie.

Mais en réalité j'ai toujours été sur le fil du rasoir, et on peut dire que je l'ai échappé belle.

Et tous les jours je fais des gestes obscènes à la folie et la nargue car elle ne m'attrapera jamais.

C'est ma façon de ne pas avoir peur.

Comme un enfant face à un ours, qui fait la grimace et s'enfuit.

Comme pour conjurer le sort.

Nous avons tous besoin de nous faire croire qu'on peut, vous savez, quand il le faut, il le faut. Briser la glace, et ne pas rester paralysé par la peur, vous devez tenter quelque chose, même si c'est absurde, et vous le faites, et la plupart du temps c'est le rire, et les chansons qu'on fredonne pour se donner du courage.




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2 commentaires:

  1. Tu veux vivre, mais vivre te fée souffrir, hurler, etc. J'ai bon ?

    Du coup, est ce une langueur malsaine du paradis/désincarnation ?

    Un rejet de la lenteur matérielle ?

    Un déni de la merveille matérialisée de son âme et du monde en général ?

    un vieux karma, un vieux démon ou une égrégore personnelle non identifié qui te fée payer ?

    C'est douloureux, saoulant et casse-couilles de te voir t'exprimer et te débattre autant avec la vie, vraiment :/
    Surtout sans parvenir à trouver l'origine du problème quoi xD, et encore moins réussir à y apporter des solutions, une guérison.

    Bon, c'est hyper violente et mon oreille droite siffle, ça veut sûrement dire quelque chose. C'est parti.

    Tant pis, j'vais me battre avec toi, et si ça t'intéresse vraiment de vivre ça donnera quelque chose ^^. Au moins, j'aurais essayé.

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  2. C'est exactement ça. Un karma assez "monstre" ;-)

    T'en fais pas Vivyane, j'ai pas besoin d'aide, j'ai besoin qu'on construise des choses dans la même direction et que tout ça devienne fertile <3

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